Aujourd'hui c'était la folie au restaurant où je travaille, on a dû enchaîner deux services l'un à la suite de l'autre tellement les gens se pressaient dans l'établissement pour y manger. J'adore mon métier, mais des fois j'ai envie de faire prendre aux clients des cours de cuisine pour qu'ils puissent manger chez eux et nous laisser un peu tranquille. Enfin, ceci étant je dis cela mais c'est simplement parce que je suis épuisé par ma journée, demain cela ira mieux et je tiendrais un tout autre discours. Depuis que je me suis réveillé dans cette ville, je me sens un peu étrange, en effet, comment peut-on oublier soixante-douze heures de sa vie, cela paraît complètement aberrant, et pourtant c'est exactement ce qui m'est arrivé, je me souvenais de toute ma vie, enfin évidemment en remontant jusqu'à mes cinq ou six ans, avant j'étais un peu trop jeune, mais impossible de me souvenir de ce que j'avais fait les trois jours précédent mon réveil dans une chambre de cette ville dont je n'avais encore jamais entendu le nom.

De plus, il paraît que non seulement j'ai changé de ville, mais en plus j'ai changé de pays. N'étant pas très doué en géographie, je ne veux même pas savoir le nom du pays où je me trouve puisque de toute manière, je ne saurais même pas le situer sur une carte. J'ai su que j'avais déjà un métier dans cette ville, pratique, sans même un entretien d'embauche, je n'avais juste qu'à me présenter dans un restaurant qui s'appelle "Pizza Pasta". C'est ce que j'ai fait, dans l'ensemble le personnel est agréable, j'ai des collègues assez sympa. Mais je ne sais pas, toute cette situation me met mal à l'aise, je ne sais pas trop quoi en penser, j'étais bien moi dans la vie que je menais, alors pourquoi en changer ? Quoi qu'il en soit, j'ai tout intérêt à m'adapter à cette nouvelle vie parce que j'ai bien l'impression que je ne suis pas prêt de retrouver l'ancienne.

Ce soir j'avais envie de me détendre et pour moi, il n'y avait pas trente-six façons de le faire, j'avais l'intention d'aller au River bar's, d'abord parce que l'ambiance y était toujours excellente et puis surtout, c'est là-bas que je vois Benjamin, c'est un des serveurs de ce bar, il est quatre ans plus jeune que moi, mais il est vraiment charmant. Il me paye souvent des verres, j'ai beau lui dire que moi aussi j'ai un métier et que je peux très bien me payer mes consommations tout seul, il insiste et puis je ne veux pas le vexer alors je le laisse faire, mais honnêtement, il va finir par se ruiner.

J'ai pris une douche et je me suis changé, j'ai pris une autre de mes chemises blanches dans mon placard et j'ai enfilé un jean noir, je sors de chez moi et je monte dans ma voiture, direction le River Bar's. Je me gare près de l'établissement et je descend de voiture. J'entre dans le bar et je cherche Benjamin des yeux. Je ne le vois pas. Peut-être n'est-il pas de service ce soir. Si c'est cela, je repars aussitôt et j'irais ailleurs. Je demande à un des serveurs passant à côté de moi si Benjamin travaille ce soir. L'homme me répond que oui, qu'il est actuellement au bar. Je plisse les yeux pour mieux voir et, effectivement, je le vois servir des clients. Je remercie l'homme qui m'a donné le renseignement et je me dirige au comptoir. Je regarde Benjamin en souriant.

- Bonsoir Benjamin

Je dévisageais le jeune homme en face de moi. Je devais être probablement un des rares clients, sinon le seul, de l'établissement à venir pour le voir lui, surtout ce soir, tout le monde semblait être captivé par la jeune fille qui travaillait avec Benjamin. C'est vrai qu'elle était mignonne, mais ce elle n'était pas vraiment mon style, elle n'était pas assez masculine. Benjamin me demandait s'il me servait quelque chose. Oh oui, j'en avais bien besoin, je ne suis pas un alcoolique, mais j'aime bien un petit verre de temps en temps, cela ne me fait pas de mal.

- Oui ça va et toi ? Humm... je vais prendre... voyons, je vais essayer d'être original, un martini s'il te plaît.

Bon d'accord, ce n'était pas très original dans la mesure où c'était toujours ce que je prenais, en même temps je ne supportais pas les autres alcools, ils me donnaient mal à la tête, peu importe la quantité que je buvais, alors je restais sur le seul alcool qui ne me faisait pas trop de mal et les trois quart du temps, je ne mangeais jamais l'olive qui accompagnait le martini. Je n'ai jamais vraiment fait comme tout le monde alors voilà encore une manière de me distinguer. Tandis que Benjamin préparait ma boisson, je balayais le bar du regard.

- Et bien, tu ne chômes pas ce soir, tu as du monde, c'est comme nous c'était la folie au restaurant, à croire que personne n'a envie de rester chez lui

Je me tourne de nouveau vers Benjamin, reprenant ainsi ma place initiale. Le verre de Martini était posé devant moi. Je le pris et le levait à hauteur de ma tête, en direction de Benjamin comme pour lui porter un toast.

- Merci.

Puis je bus une gorgée du liquide et reposais le verre sur le comptoir. J'observais Benjamin tandis qu'il travaillait. C'était étrange, cela faisait un moment que je ne m'étais pas senti aussi "bizarre" devant une personne, oui j'avais une drôle d'impression. Benjamin me plaisait, c'était indéniable, mais était-ce réciproque, cela n'était pas certain. Je décidais de tâter un peu le terrain avec une phrase des plus innocentes mais dissimulant tout de même quelques sous-entendus me permettant de "collecter" quelques informations utiles.

- Je vois que tu as une nouvelle collègue. Tout le monde n'a d'yeux que pour elle ici. Enfin, presque tout le monde. Au fait, tu sais que j'ai failli repartir ce soir. Lorsque je suis arrivé, je ne t'ai pas vu derrière le comptoir alors je me suis dit que peut-être tu ne travaillais pas. Si je n'avais pas demandé à un serveur qui passait près de moi, je serais reparti... sans t'avoir vu, cela aurait été dommage tu ne crois pas ?

J'adressais un sourire compatissant à Benjamin, oui en effet, je voyais qu'il avait pas mal de travail et je ne comprenais que trop bien ce qu'il pouvait ressentir, à mon avis il n'avait qu'une seule envie, celle de se retrouver dans son lit. Je l'y rejoindrais bien moi... mais je m'égare. On ne devrait pas se plaindre de notre travail, c'est vrai, on a la chance de travailler dans ce qui nous plaît alors pourquoi se plaindre. Bon il semblerait que cette ville ce soit Utopia, tout le monde fait exactement le job où les études qui lui convient et le taux de chômage est de zéro pour cent il me semble alors je ne sais pas comment fait le responsable de cette ville, mais il ferait bien de donner des leçons au maire de New York. Enfin bref, il ne valait mieux pas que je repense à New York sinon j'allais me coller le cafard pour toute la soirée et je n'en avais pas la moindre envie.

- Oui je vois ça, enfin remarque, il vaut mieux que ce soit plutôt que de voir un bar désert.

C'est vrai que Benjamin n'était encore jamais venu me voir au boulot, mais bon je le comprenais, on ne peut pas aller dans un restaurant aussi facilement que l'on va dans un bar. Dans un restaurant tu dois, au mieux commander une salade alors quand dans un bar tu peux t'en tirer avec un simple café. Voilà pourquoi cela ne me dérangeait pas de passer presque tous mes soirs ici. Je voulais voir Benjamin et c'était le seul moyen. J'eus un petit rire face à ce qu'il disait.

- C'est bien possible va savoir, ils se sont sans doute envoyé pleins de messages sur leur téléphone hier en se disant "Tiens on va aller un peu faire bosser les restaurateurs et les barmans." Voilà pourquoi ils rappliquent tous en même temps. Oh mais si ça te dis, tu pourrais venir à Pizza Pasta, je t'invite. Je serais là pour le service du soir, si jamais tu veux passer.

C'était bien la moindre des choses, avec toutes les consommations qu'il m'avait offerte depuis que je le connaissais, je pouvais bien l'inviter dans le restaurant où je travaillais. Sans compter que cela me donnera une occasion de le revoir. Je hochais la tête lorsqu'il me parla de sa collègue, cela devait lui faire du bien de pouvoir se reposer sur quelqu'un en plus des collègues qu'il avait déjà.

- Oui c'est bien comme ça tu peux te reposer sur quelqu'un d'autres que sur ceux qui sont déjà en salle. Ah oui ? Tu as quelques clients sympa, tu en as de la chance, parce que moi ils se font rares.

J'avais bien évidemment compris qu'il parlait de moi, surtout grâce au charmant sourire qu'il m'avait adressé, mais je jouais un peu à le taquiner... mais rien de méchant je vous rassure, pour moi Benjamin faisait parti des personnes que l'on avait pas envie de blesser, bien au contraire. Il mit ses coudes sur le comptoir et me demanda si je voulais un autre verre. Je le regardais un instant l'air un peu gêné.

- Et bien tu sais déjà ce que je te dis à chaque fois, mais comme je n'ai pas envie de te faire de la peine, alors je vais accepter. Remets-moi la même chose s'il te plaît.

La réponse qu'il avait donné à ma phrase-test de tout à l'heure m'apprit notamment qu'il n'avait pas saisi le sous-entendu et j'en étais heureux parce que je ne voulais pas qu'il le comprenne. Avec mon invitation à mon restaurant, j'avais enclenché la vitesse supérieure.

Une bagarre ? J'avais du mal à imaginer quelqu'un comme Benjamin pris dans une bagarre, d'accord il devait certainement savoir se défendre, pour faire ce métier-là il faut savoir donner quelques coups, ne serait-ce pour mettre quelques ivrognes à la porte, mais tout de même, il paraissait vraiment fragile.

- Humm... tu vois, l'avantage de travailler dans un restaurant comme moi, c'est qu'il n'y a que très rarement des bagarres, depuis que je suis ici il n'y en a d'ailleurs pas eu une seule.

Lorsque je l'avais invité à venir manger au restaurant, je n'avais tout d'abord pas pensé que je pourrais manger avec lui, bien sûr j'aurais fait en sorte d'être le seul à m'occuper de sa table, mais je ne savais pas s'il voulait m'avoir avec lui. J'eus la réponse à ma question lorsqu'il me demanda, innocemment certainement, si il mangerait avec moi. Enfin il ne l'avait pas formulé ainsi mais c'était ce que cela voulait dire. J'observais son visage et ce que j'y vis me plu, dans son regard principalement, on voyait qu'il était sincèrement content de cette proposition et qu'il espérait que je lui dise oui, que je mange avec lui. Je lui souris et hochais la tête.

- Bien sûr, si tu veux bien de ma compagnie pour ton repas, je serais ravi de manger avec toi.

Pour ce qui est de mon service, ce ne sera pas trop grave, je ne prendrais pas de pause pour déjeuner à midi comme ça, je ferais journée continue et lorsque Benjamin arrivera au restaurant je pourrais passer la soirée avec lui. Ou au pire, si je ne peux pas échanger ma soirée de travail contre une journée continue, je travaillerais le midi pour avoir mon soir de libre. J'en parlerais avec le patron quelques jours avant, je ne veux pas le prendre en traitre. Plus notre conversation avançait et plus je me disais que peut-être j'avais mes chances avec lui, mais ceci étant, je ne voulais pas le brusquer, cela ne servirait à rien, autant prendre son temps.

Il me tendit une serviette en papier sur laquelle il avait griffonné son numéro de téléphone, je la prit en effleurant doucement ses doigts au passage, je m'excusais de cela en prenant un air innocent alors que j'étais loin de l'être.

- Merci, excellente idée. Je serais vraiment heureux si l'on pouvait se voir en dehors du travail toi et moi, on pourrait... je ne sais pas moi, aller se promener en ville ou bien se faire un cinéma.

Je pris une des serviette qui se trouvais devant moi et griffonnais à mon tour mon numéro de téléphone, je bus une gorgée de mon deuxième martini et tendis la serviette à Benjamin.

- Tiens, je te donnes mon numéro à mon tour, je suppose que lorsque je t'appellerais il s'affichera sur ton téléphone, mais je préfère prévoir, on ne sait jamais, ici tout fonctionne différemment alors comme ça je suis certain que tu l'auras et puis... si tu peux le faire, j'aimerais bien que tu termines plus tôt ce soir pour qu'on termine la soirée ensemble.

Oui, être dans un endroit, en tête-à-tête avec lui, c'est exactement ce dont j'avais besoin pour me détendre, pour être bien. Je finissais mon verre tout en mangeant littéralement Benjamin des yeux... je crois que je suis en train de tomber amoureux.

- C'est vrai, de toute façon, chaque corps de métier a ses avantages et ses inconvénients.

En parlant de corps, le sien était vraiment magnifique, du moins de ce que je pouvais en voir au travers de ses vêtements. Il faut vraiment que j'arrête de laisser mes penser vagabonder comme ça, d'ordinaire je n'ai pas une telle... inattention, Benjamin a vraiment un drôle d'effet sur moi... un effet pas désagréable du tout, bien au contraire. Il eut l'air réellement très heureux lorsque j'acceptais de venir manger avec lui et cela me réchauffa le coeur, il avait une telle sincérité dans le regard que je n'avais encore jamais rencontré jusqu'à présent. Il m'est arrivé bien sûr d'être séduit par quelqu'un mais jamais aussi intensément et puis... je ne sais pas, mais je sens que Benjamin comptera pour moi comme jamais personne n'avait compté dans ma vie. Quelle que soit notre relation d'ailleurs, ceci étant j'espère vraiment de plus en plus que l'on sorte ensemble un jour ou l'autre et puis, ses réactions me font espérer encore plus.

- Entendu, je t'attends.

Je le regardais s'éloigner et je terminais mon verre. Où pourrions-nous aller ce soir ? Je ne sais pas, je suppose que pour un film c'était un peu tard mais une promenade au clair de lune cela pouvait être bien aussi. Je n'ai pas spécialement regardé la lune avant de venir, mais bon ce n'est qu'une expression. Benjamin fini par revenir après avoir vu son patron, apparemment, celui-ci n'avait accepter de le laisser partir seulement s'il faisait une heure de travail le lendemain. Il était gonflé, il aurait pu lui dire de rattraper son heure un autre jour. Cela n'avait pas l'air de déranger Benjamin.

- Ah bon ? Je suis désolé, je vais tenter de me faire pardonner pour cela alors, après tout si je ne te l'avais pas demandé tu aurais fait cette heure aujourd'hui.

Il repartit se changer tandis que je sortais sur le trottoir pour l'attendre. Effectivement la lune était haute dans le ciel, il faisait vraiment beau ce soir, le ciel était dégagé, on pouvait même voir les étoiles, je crois que c'est un signe de pluie, mais je n'en suis pas très sûr. Je vis enfin mon barman préféré me rejoindre dehors. Je lui souris.

- Et bien, je crois que pour le cinéma c'est un peu tard, mais on pourrait faire une promenade en ville, après tout, il fait beau ce soir, tu ne trouves pas ?

Nous nous mîmes en route sans avoir de destination précise. Je regardais de temps en temps Benjamin, pour rien, comme ça, juste pour le plaisir de le voir et puis je me demandais si je devais lui dire ce que je ressentais pour lui ou pas, est-ce que j'en avais seulement le droit ?

- Tu sais Benjamin je... enfin je ne sais pas trop comment te dire ça, ni même si j'en ai le droit, mais...

Je m'arrêtais pour me placer devant mon barman et je penchais la tête sur le côté en le regardant doucement.

- Cela ne fait pas longtemps qu'on se connait toi et moi... mais ce laps de temps a été suffisant pour moi, je... je ressens quelque chose pour toi Benjamin, je ne peux pas encore mettre de nom dessus, mais... je sais que j'aime être en ta compagnie... à dire vrai je ne recherche que ça et.... enfin voilà.

Bon sang, c'était vraiment pathétique, j'aurais de la chance s'il ne se moque pas de moi, je devais certainement rougir à présent.

Il me demanda si je voudrais qu'on essaye de se mettre ensemble. C'est vrai que je ne l'avais pas dit explicitement, mais c'est ce que cela voulait dire, je n'ai jamais été très doué pour m'exprimer lorsqu'il s'agit de sentiments, je n'y peux rien, j'ai toujours été comme ça. Je ne sais pas ce qu'il va répondre et cela m'angoisse, le long silence qui avait précédé la phrase qu'il venait de dire ne me rassurait pas du tout et je commençais à avoir vraiment peur de la suite.

- Oui... enfin je ne l'ai pas dit explicitement mais oui c'était l'idée.

Le silence devenait lourd, pesant, je commençais à regretter ce que je venais de dire, enfin pas le regretter mais, à regretter de ne pas avoir attendu pour le lui dire, après tout c'était présomptueux de ma part, ce n'était pas parce qu'il me plaisait que je lui plaisais aussi. Il prit enfin la parole et là... j'eus l'impression d'entendre du verre qui se brisait, mais je compris rapidement que ce n'était que mon coeur qui réagissait aux paroles de Benjamin. Je le regardais tandis qu'il se rapprochait peu à peu de moi, je n'arrivais pas à esquisser le moindre geste, pourtant, la seule envie que j'avais c'était de partir, rentrer chez moi et me coucher sous les draps, disparaître, je venais de me rendre complètement ridicule face à la dernière personne devant qui je voulais l'être. Je l'écoutais, mais ses mots ne semblaient pas vouloir s'imprimer dans mon cerveau. Si j'avais bien compris, il venait de me dire qu'il avait foutu en l'air toutes ses relations, j'ai encore fait plus fort que lui, j'ai foutu en l'air une relation avant même qu'elle ne commence. Je serrais les dents pour tenter de ravaler la douleur qui s'emparait de moi. Lorsque je parlais, ma voix n'était plus qu'un murmure.

- Mais... je... je sais ce que je veux. Ne t'inquiètes pas... je ne te forcerais pas.

Je n'ai jamais forcé qui que ce soit à m'aimer, ce n'était pas aujourd'hui que j'allais commencer. Je regardais Benjamin sans rien dire, ses yeux brillaient de larmes contenues. Moi je ne pleurais pas, il y a longtemps que je n'avais pas versé de larmes, pourtant en cet instant, ce n'était vraiment pas l'envie qui m'en manquait. Benjamin m'embrassa mais ce baiser, s'il était censé me rassurer, ne produit pas l'effet escompté, au contraire, j'avais l'impression qu'il signifiait "Tu vois ce que tu aurais pu avoir... mais tu ne l'auras pas". Cela me faisait encore plus mal. Je regardais Benjamin en ayant un sourire triste.

- Tu es vraiment sûr de savoir ce que tu veux ? Parce que tu viens juste de me dire que tu veux attendre... alors ne me tente pas en m'embrassant s'il te plaît... c'est cruel.

Oui c'était cruel, il voulait qu'on attende...soit, mais dans ce cas, qu'il ne m'embrasse pas parce qu'alors je ne pourrais pas attendre très longtemps, déjà là ça va être dur. Je sais ce que je veux, c'est lui que je veux, mais apparemment, ce n'est pas réciproque... je savais que j'aurais mieux fait de me taire, j'ai encore tout gâché.

Je ne savais pas quoi faire, je n'allais pas le laisser là, seul et partir, pourtant c'était bien l'envie que j'avais, il m'avait rendu, déçu, triste, tout un kaléidoscope d'émotions passait en moi en ce moment-même, je ne sais même pas s'il en avait conscience. Il voulu me retenir, pensant que peut-être je partirais. Je le regardais.

- Je ne suis pas parti.

C'est affreux comme chaque mot que je disais m'était pénible, j'avais mal de parler, mal de respirer. Il enchaîna, me disant qu'il aimerait qu'on parle un peu plus, qu'on apprenne un peu plus à se connaître avant de commencer quelque chose de sérieux. Si l'on avait été dans un autre contexte, oui j'aurais bien voulu attendre, le temps qu'il voulait, mais là, qui peut dire de quoi demain sera fait, qui nous dit que nous n'allons pas nous retrouver dans une autre ville avec la mémoire complètement effacée, je sais, je deviens un peu parano, mais je n'y peux rien, cela ne fait que deux semaines que je suis là et je ne veux pas que Benjamin fasse parti de ces souvenirs que je n'aurais plus si un jour il m'arrivait quelque chose. Je baissais la tête.

- Je comprend ton point de vue, mais tu peux m'assurer avec certitude que tu seras là demain toi ? Tu as de la chance alors parce que moi je n'en sais rien, je n'ai pas envie de me réveiller un matin et ne plus me rappeler de toi. Et puis, on peut apprendre à se connaître en étant ensemble, on se découvrira petit à petit, ce n'est pas incompatible.

Non, je ne voulais pas le perdre, je voulais le serrer dans mes bras, l'étouffer sous mes baisers, je n'ai jamais aimé quelqu'un avec autant de passion avant, cela me faisait un peu peur mais j'avais envie de vivre cette histoire avec lui, je voulais Benjamin près de moi et nul part ailleurs. Je relevais ma tête pour plonger mon regard dans celui de mon barman.

- Tu sais moi non plus je ne suis pas parfait. J'ai quelques qualités bien sûr mais j'ai aussi pas mal de défaut, ce sera à nous de faire avec tout simplement. Moi aussi j'ai envie d'être avec toi Benjamin.

Il m'embrassa de nouveau, mais il mit tant de passion dans ce baiser que je ne pouvais faire autrement que de lui répondre et surtout, je voulais lui répondre. Je passais mes bras autour de sa taille et prolongeais donc son baiser. Lorsqu'il stoppa le baiser, je caressais doucement la joue de Benjamin avec mon nez.

- C'est tout ce que je désire.

Et sur ces mots, ce fut moi l'instigateur de notre troisième baiser. Maintenant il pouvait m'arriver n'importe quoi, tout m'était égal, j'avais Benjamin dans mes bras, le reste n'avait que peu d'importance. Je lui murmurais doucement à l'oreille.

- Je t'aime aussi.

Je sais que je n'étais pas très optimiste en lui disant qu'on ne savait pas de quoi demain sera fait, mais il faut me comprendre, mettez-vous à ma place cinq minutes, vous avez une vie, bien établie, avec un travail et des gens que vous aimez, tout va bien et du jour au lendemain, vous vous réveillez dans un endroit inconnu, à des kilomètres de chez vous, vous ne connaissez pas les gens qui vous entourent. Enfin c'est tout de même perturbant, non ? Depuis que je suis arrivé ici, j'ai pris la décision de vivre au jour le jour et lorsque j'ai croisé le regard de Benjamin la première fois, j'ai complètement craqué pour lui. Je n'arrivais pas à mettre un nom sur ce que je ressentais au début, mais je sais que c'était de l'amour et là, je suis heureux parce qu'à présent je sais que c'est un sentiment partagé. Je le regardais me sourire. Bon sang, il était vraiment adorable. Sa main qui passait sur mon torse me procurait de doux frissons. Je lui pris la main et y déposais un tendre baiser dessus.

- Ou bien nous pouvons continuer notre promenade ou alors, on peut aller chez moi... ou chez toi... en tout bien tout honneur bien sûr, juste pour parler plus tranquillement. C'est toi qui choisi.

Il restait contre moi sans bouger et j'étais bien parce que je le sentais à sa place, je lui caressais doucement la nuque. Je n'avais qu'une envie, celle de lui prodiguer mille et un gestes de tendresse. Soudain il eut un petit rire. Je fronçais les sourcils et esquissais un sourire amusé en le regardant. Je me demandais ce qui pouvait bien le faire rire dans un moment pareil. Il m'en expliqua la cause. Je lui souris tendrement et passais doucement ma main sur sa joue.

- Bien sûr. Pourquoi ? Cela te dérange ?

Évidemment je ne pensais pas que cela le dérangeait, c'était juste pour le taquiner un peu.